Le mythe de Sisyphe ou la trahison

Le mythe de Sisyphe, thème traité par les peintres ou les philosophes, est l'un des plus connus. 

Qui est Sisyphe ?

Il est issu de deux parents prestigieux. Son père ? Un dieu, Éole, régisseur des vents. Sa mère ? Méropée, fille du titan Atlas.

Sisyphe « le très sage » vivait à proximité de Corinthe, ville qui lui doit sa naissance. Non loin de lui vivait un dénommé Autolycos qui signifie « véritable loup ». Celui-ci se disait le fils d’Hermès. En effet, en digne fils du dieu des voleurs, Autolycos possédait le don de modifier l’apparence des animaux qu’il dérobait en leur attribuant des cornes s’ils n’en avaient pas, en changeant leur couleur ou même leur taille. Ainsi, le troupeau de Sisyphe diminuait alors que celui de son voisin augmentait d’autant. Le premier marqua alors les sabots de ses bêtes d’un double S et put confondre ainsi le voleur.

Pour le punir, Sisyphe devint l’amant d’Anticlée la fille d’Autolycos, la femme de Laërte, le roi d’Ithaque, qui accoucha neuf mois plus tard d’Odysseus (Ulysse).

La condamnation

Sisyphe fut témoin de l’enlèvement de la belle nymphe Égine par Zeus qui prit la forme d’un aigle. Son père, le dieu fleuve Asopos (celui qui n’est jamais silencieux), la recherche activement et apprend que Sisyphe en sait plus qu’il ne le prétend. Il lui offre alors de donner à sa ville de Corinthe une source perpétuelle en échange de ses révélations. Sisyphe accepte s’attirant de ce fait les foudres de Zeus. Celui-ci envoya Thanatos, la mort elle-même, chercher l’indélicat. Sisyphe consent à le suivre dans le royaume d’Hadès, celui des morts, mais auparavant il veut lui montrer sa dernière invention : des menottes. Il les lui passe aux poignets et l’attache en un lieu dont il ne peut plus se défaire. Dès lors, la mort ne peut plus sévir, les batailles deviennent stériles si bien qu’Arès, le dieu de la guerre s’en émeut, délivre Thanatos et le remet face à Sisyphe pour le conduire aux Enfers.

Sisyphe lui demande juste le temps d’embrasser l’éloquente Méropé, son épouse, une dernière fois. Devenu méfiant Thanatos accepte, mais ne le quitte pas des yeux. Lors de son dernier baiser, Sisyphe murmure à l’oreille de sa belle de ne pas lui rendre les ultimes honneurs.

Une fois parvenu face à Hadès, il se plaint que sa femme ne lui a pas fait de funérailles et que son âme errera dans les Enfers jusqu’à la fin des temps. Il dit ne pas avoir mérité un tel châtiment. Il parvient à émouvoir le dieu qui le laisse remonter dans le monde des vivants juste le temps de remédier à ce manquement.

Aussitôt, Sisyphe s’éclipse et ne revient plus. Cette fois son châtiment sera exemplaire. Il devra rouler un rocher au sommet d’une montagne. Malheureusement, le rocher redescend la pente à peine le but atteint. Tous les jours le supplice recommence… jusqu’à la fin des temps.

Quel sens donner à ce mythe ?

Ce mythe met en cause la trahison. Trahison de hautes valeur morales symbolisées par Zeus, avec pour objectif d’acquérir un bien matériel symbolisé par une source intarissable. Trahison, du cours de la vie en trompant la mort elle-même. Ainsi, Sisyphe se révèle avant tout un être perfide qui mérite un châtiment exemplaire et éternel. Celui de rouler un rocher de bas en haut sans répit.

Albert Camus y voit l’absurdité de la condition humaine et la liberté pour l’Homme de l’accepter.

Pour ma part, je pense que c’est Sisyphe lui-même qui précipite le rocher dans le vide, une fois celui-ci parvenu au faîte de la montagne. L’absurdité serait en effet de rester en haut de celle-ci, avec le rocher à ses côtés, sans plus rien d’autre à faire, sans but. Le rejeter pour recommencer encore et encore correspond à une fin en soi, à un renouvellement de son être chaque matin à l’image du soleil qui naît, monte au zénith puis redescend pour se coucher.

Pour aller plus loin…

Les mythes sont une manière de rendre intelligible l’incompréhensible. Ils ne s’adressent pas à la raison, mais à l’intuition. Il n’y a aucune logique, ni espace ni temps. Et c’est parce qu’il n’y a aucune argumentation rationnelle que chacun peut en tirer sa propre vérité.
Mon ouvrage Mythologos, développe les principaux mythes grecs sous forme de roman.

La page de couverture du livre roman Mythologos

L'auteur : Franck Senninger

Franck Senninger est écrivain et médecin. Il écrit plus particulièrement des romans (Prix Littré, Prix du Rotary international, sélection au Prix Tangente de lycéens 2022), des nouvelles (Prix Cesare Pavese), des ouvrages de psychologie et de vulgarisation médicale. Ses livres sont actuellement traduits en italien, espagnol, portugais, polonais et en arabe. Il est membre de l'Académie Littré et ancien président du jury français du Prix Cesare Pavese (Italie). Il est aussi journaliste pour La Voce, le magazine des Italiens en France et cofondateur de l'Alliance italienne universelle, une association qui réunit les fils de l'Italie. Il donne régulièrement des conférences à l'Université Inter-Âge de Créteil, à l'Université inter-âge de Noisy-le Grand et à l'Université Paris-Est Créteil. Petit-fils de philosophe, trois générations de médecins l'ont précédé ce qui explique sans doute son attrait partagé pour la plume et le stéthoscope.

6 Replies to “Le mythe de Sisyphe ou la trahison

  1. Oh, je ne me souvenais plus du tout des ruses de Sisyphe … Bien agréable de lire ce mythe rendu bien clair par ta plume.Effectivement, resté coincé sur un sommet avec comme seul compagnon un rocher, risque d’être fort ennuyeux… Alors, hop on le rejette et le remonte : ça occupe…Intéressante comme interprétation et plausible . Sylvie

  2. Je reprendrai la phrase : « un renouvellement de son être chaque matin à l’image du soleil qui naît, monte au zénith puis redescend pour se coucher. »
    Chacun doit donner un sens à cette vie ainsi rythmée. Chacun est livre d’en donner le sens qu’il souhaite et en cela on s’éloigne de l’absurdité.
    En ce moment, nous vivons des moments plus contraints à cause de la situation sanitaire : ce ralenti nous permet peut-être de mieux appréhender l’avenir qui sera je le souhaite plus serein.
    Nous sommes un peu obligés de rechercher en nous-mêmes d’autres forces pour échapper à cet enfermement.
    Cette histoire de la mythologie si bien racontée nous inspire des réflexions individuelles.

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