Étape 7 : Le royaume d’Hadès
La septième étape de son long périple se situe sur une île peut-être près de la côte napolitaine non loin de celle de Circé ou peut-être bien plus au nord.
Odyssée, chant X :Fils de Laërte, écoute, oh rejeton des dieux, Ulysse aux mille ruses !Si dans cette maison ce n’est plus de bon cœur que vous restez, partez !Mais voici le premier des voyages à faire : C’est chez Hadès et la terrible Perséphone, pour demander conseil à l’ombre du devin Tirésias de Thèbes.
L'histoire
Devant l’insistance d’Ulysse qui veut retourner à Ithaque, Circé n’a d’autre choix que de le laisser partir. Auparavant, elle lui révèle que de grands dangers l’attendent et lui demande de se rendre chez les Cimmériens.
Cours devant le vent du Nord, jusqu’à ce que tu atteignes l’Océan et le bosquet de Perséphone avec ses peupliers noirs et ses vieux saules. Creuse un fossé à l’endroit où les fleuves Phlégéton et Cocyte se jettent dans l’Achéron et sacrifie à Hadès et Perséphone un jeune bélier et une brebis noire, que je te procurerai. Laisse couler leur sang dans le fossé et chasse toutes les ombres avec ton épée jusqu’à l’arrivée de Tirésias. Laisse-le boire autant qu’il voudra et écoute ce qu’il te dira.
Le Phlégéthon est un fleuve de feu qui coule dans les Enfers.Le Cocyte « qui naît des larmes » est un autre fleuve des Enfers alimenté par les larmes de ceux ont des mauvaises actions à se reprocher.Perséphone (Proserpine chez les Romains) est la fille que Zeus (Jupiter) a eu avec sa sœur Déméter (Cérès), la déesse des moissons.Hadès (Pluton) est le frère de Zeus qui a enlevé sa nièce Perséphone pour l’épouser.
Là, les Cimmériens ont leurs pays et leur ville. Ce peuple vit couvert de nuées et de brumes, que jamais n’ont percées les rayons du soleil, ni durant sa montée vers les astres du ciel ni quand, du firmament, il revient à la terre : sur ces mortels infortunés, pèse une nuit de mort (Chant XI).
Les Cimmériens vivent aux limites du profond océan, là où les rayons du soleil ne percent jamais.
Ulysse parvient sans encombre dans ce domaine où règne le néant. Pas de vie, chaque jour ressemble à celui qui le précède et à celui qui le suit ; pas de lumière, pas d’odeur, pas de son, pas d’espérance. Pas de souvenirs non plus à moins que l’âme du défunt ne boive le sang du sacrifice.
Comme indiqué par la belle Circé, Ulysse creuse un fossé, sacrifie le bélier et la brebis noire qu’elle lui a offerts, puis attend.
Des ombres ne tardent pas à apparaître.
Le héros reconnaît tout d’abord Elpénor l’un de ses compagnons de retour, mort depuis peu alors qu’il s’était enivré et était tombé du toit du palais de Circé. Malgré ses supplications, Ulysse ne le laisse pas boire le sang du sacrifice, mais lui promet une sépulture décente à son retour sur l’île d’Aea.
Puis, survient sa mère, Anticlée, dont il ignorait le trépas. Elle se dresse devant lui et lui demande à s’abreuver. Il refuse. Même elle, il ne la laisse s’abreuver au sang du sacrifice.
Enfin Tirésias apparaît à son tour. Il boit à longue gorgée le sang et remercie son visiteur.
Il lui apprend alors qu’il rencontrera encore de grandes difficultés et lui conseille, lorsqu’il abordera l’île d’Hélios, le soleil, de ne jamais toucher à une seule tête de son troupeau. Pas une seule. Ce serait offenser tous les dieux et leur colère serait terrible. Il perdrait alors tous ses compagnons et ne rentrerait même pas dans son royaume sur son propre navire. Il lui apprend aussi qu’il lui faut se méfier de son fils et que sa mort viendra de la mer mais elle sera douce. Une fois arrivé dans son royaume, il lui faudra combattre des ennemis qui ont pris possession de sa propre maison et veulent lui voler son épouse Pénélope. Mais avant tout cela, il lui faudra procéder à des sacrifices à Poséidon pour se faire pardonner la mort de son fils, le cyclope Polyphème.
Tirésias est le plus grand devin de l’Antiquité.Née fille, Tirésias suscita le désir du dieu Appolon qui, en échange de ses faveurs, lui enseigna la musique. Un jour, elle se refusa à lui. Pour la punir, le dieu la métamorphosa en homme afin qu’elle comprenne à son tour les affres d’un homme qui désire une femme. On raconte aussi qu’un jour, Zeus se disputait avec sa femme Héra à propos du plaisir charnel. Zeus soutenait que la femme y prenait davantage de plaisir que l’homme, tandis qu’Héra affirmait le contraire. Ils demandèrent donc à Tirésias qui avait l’expérience des deux sexes ce qu’il en pensait. Celui-ci se rangea à l’avis de Zeus et déclara que si l’on pouvait partager le plaisir sexuel en dix parts, alors la femme en prendrait neuf et l’homme qu’une seule. Ayant été du sexe féminin Tirésias aurait dû savoir qu’il vaut mieux se garder de contredire une femme, et plus encore quand celle-ci règne sur l’Olympe. Pour avoir osé s’opposer à elle, Héra lui ôta la vue. Pour contrebalancer la sentence, Zeus lui octroya le don de double vue, celui de la divination.
Seulement alors, Ulysse laisse boire Anticlée qui reste discrète sur les sollicitations incessantes que subit sa belle-fille Pénélope. Puis surviennent sans un mot, sans même un bruit les ombres de Phèdre, d’Agamemnon, d’Orion, de Tantale, de Sisyphe, d’Ariane, de Jocaste, de Minos qui juge les âmes, et tant d’autres qu’Ulysse laisse boire, fier de ces rencontres. Il aperçoit même la silhouette d’Héraclès qui se plaint de ses travaux.
Pour certains de ces personnages tels Héraclès, dorénavant assis à la table des dieux, ou Ariane, l’épouse de Dionysos (Bacchus), ce sont seulement leur ombre qui subsiste dans les Enfers.
Puis survient Achille, son ami de toujours. Alors que Ulysse tente de le consoler, le héros de Troie lui répond, qu’il aimerait mieux être un laboureur, ou même un esclave plutôt que de régner sur les morts.
Si Ulysse est le héros de l’Odyssée, Achille est celui de l’Iliade. Il est le fils de la Néréide Thétis et de Pelée, roi de Phthie (Thessalie). Un jour sa mère le saisit par les talons et le trempa dans les eaux du Styx pour lui assurer l’immortalité. Malheureusement, les talons maintenus par les doigts maternels échappèrent au contact salvateur du fleuve des Enfers et, lors de la Guerre de Troie, une flèche tirée par Pâris, frère d’Hector, l’atteignit à cet endroit, le blessant mortellement.Achille avait en commun avec Ulysse d’avoir voulu se dérober à la guerre qui devait l’emporter. Si le second avait joué la folie, le premier se dissimula dans son opposé. Il se déguisa en femme. En effet, Thétis, avait été informée par un oracle que son fils tomberait entre les murs de Troie. Elle l’avait donc emmené à la cour du roi Lycomède qui régnait sur l’île de Skyros. Là, Achille se travestit en femme et se mêla aux princesses. On la surnomma même Pyrrha (la rousse). Comme aucune guerre ne pouvait se gagner sans le concours du fils de Pelée, Ulysse fut chargé de l’enrôler dans l’armée grecque. Il se rendit à la cour du roi Lycomède, y apporta des bijoux, des parfums, des tissus et… une lance. Soudain, un des comparses du roi d’Ithaque sonna l’alarme. Alors que les femmes s’enfuirent en criant, Achille arracha ses vêtements, se saisit de la lance et fit face au danger. Il était démasqué.
Enfin, Ulysse informé de ces précieuses révélations, retourne auprès de la belle Circé. Elle espère que les voiles de l’avenir enfin ôtées, Ulysse renoncera à hisser les siennes sur son navire. Rien n’y fait. Il veut partir. Alors, la magicienne lui fait une dernière recommandation : lorsqu’il verra une île, ou plutôt un énorme rocher en pleine mer, circonscrit de roches blanches, ses marins devront l’attacher au mat de son navire et se boucher les oreilles avec de la cire.
Ulysse promet et s’éloigne du rivage des larmes dans les yeux. Il quitte un amour qui le comblait, sans pour autant parvenir à lui apporter le bonheur.
L'interprétation
Cette visite à mort est très intéressante lorsqu’on la considère à travers le prisme du bonheur. Même si Ulysse a côtoyé la mort à maintes reprises, tout d’abord lors de la Guerre de Troie puis lors de ses tentatives de retour à Ithaque, c’est sans doute chez les Cimmériens qu’il en prend toute la mesure. Jusqu’alors la mort ne représentait que la fin de l’existence. Avec cette visite, il comprend l’étendue de tout ce que le mortel perd avec la vie.Le passage le plus émouvant concerne le dialogue entre Achille et Ulysse. Lorsque le fils de Thétis était adolescent il eut à choisir entre une vie éphémère couverte de gloire et une vie longue et paisible. Le héros Thétis choisit la première.Ce n’est qu’une fois le destin accompli qu’il regretta son choix.Cela rappelle l’adage selon lequel quand les dieux veulent punir les hommes, ils accèdent à leurs désirs.
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Mythologos de Franck Senninger
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