Étape 10 : Les bœufs sacrés d’Hélios
La dixième étape du son long périple d’Ulysse se situe sur l’île de Trinacrie, la Sicile.
Odyssée, chant XII :
Nous doublons les écueils, la terrible Charybde aussi bien que Scylla. Nous voici chez le dieu en cette île admirable du soleil, fils d’en haut, où l’on voyait en foule, ses beaux bœufs au grand front et ses grasses brebis. Déjà, du noir vaisseau, étant encore au large, nous entendions meugler les vaches dans les parcs et bêler les moutons. Aussi me revenaient au cœur les prophéties de l’aveugle devin, Tirésias de Thèbes.

L’histoire
En vue de l’île les marins exténués, malgré l’avis contraire d’Ulysse, veulent se reposer après ce qu’ils viennent de vivre. Ils désirent faire le plein d’eau et de fruit. Du reste, il ne descendront à terre que pour une seule journée.
Seul contre tous, Ulysse accepte, mais leur fait jurer sur les dieux de ne jamais toucher une seule bête du troupeau d’Hélios, le Soleil.
Hélios est le fils de deux Titans frère et sœur : Hyperion Théia. Les Titans sont les enfants d’Ouranos, le Ciel, et de Gaia, la Terre. Sur le plan symbolique Hélios, le Soleil, voit tout et par conséquent, il sait tout. Il possède la connaissance, la Vérité. C’est un être lumineux, d’une très grande beauté, représenté avec une couronne rayonnante.
Les hommes y consentent. Ils descendent et se restaurent des vivres offerts par Circé pour le voyage.
Le lendemain des vents contraires se mettent à souffler en direction de Carybde et Sylla. Il ne peut donc être question de reprendre la mer. Il en est ainsi durant un mois entier. Les vivres s’épuisent peu à peu et, bientôt, plus rien ne subsiste des denrées embarquées. Tandis que les estomacs crient leur faim, autour d’eux les bœufs mugissent et les brebis bêlent comme autant de tentations.
Ulysse garde un œil sur ses hommes, mais la fatigue finit par avoir raison de sa vigilance. Exténué par des jours de veille, il finit par s’endormir dans une clairière où il s’était retiré pour prier les dieux de lui accorder les vents favorables.
Ne le voyant pas revenir, Eurylochos décide de prendre le commandement. Il rassemble les hommes et leur propose de se restaurer grâce aux vaches et aux bœufs du troupeau. Il sera toujours temps d’élever un temple à Hélios, une fois rentré à Ithaque afin qu’il leur pardonne leurs méfaits.
Des odeurs de viande grillée réveillent Ulysse. Il comprend immédiatement et se rue sur la plage. Il y a là de quoi festoyer pendant six jours et six nuits. « Fous que vous êtes, hurle-t-il, vous vous êtes parjurés. Tous sur le bateau ! Immédiatement ! »
Un homme s’avance pour lui tenir tête. Ulysse sort son épée et lui tranche le cou. Plus un seul guerrier n’ose s’opposer à lui, d’autant qu’un doux vent vient de se lever comme pour les inviter à prendre la mer. Le bateau s’éloigne de la côte, l’île n’est déjà plus en vue quand un vent violent se lève.
La mer se soulève.
Une bourrasque arrache le mat principal qui s’abat sur le crâne du timonier le tuant net. Puis, la foudre tombe sur le pont. Dans un craquement sinistre, le bateau se fend et coule.
Ulysse n’a que le temps de s’agripper à un mat et rejoint la quille qui flotte un peu plus loin. Avec un reste de cordage, il réalise un petit radeau de fortune, regarde au loin à la recherche de survivants, lève les bras désespérément et s’époumone à force d’appeler.
Aucun geste, aucun cri. Tous ont péri.
C’est alors qu’un courant l’emmène vers Carybde qu’il avait réussi éviter. Il doit lâcher son radeau qui est avalé puis recraché en menus morceaux. Le héros de Troie parvient à se saisir d’un rondin, s’y agrippe et perd connaissance.
Il est balloté par les flots et les vents durant neuf jours quand une douce voix féminine le réveille…
Interprétation
Hélios, le soleil possède ici une valeur symbolique très forte. On le retrouve dans un grand nombre de religions et de mythes. Il représente la lumière, la connaissance, la vie. Son troupeau est vraisemblablement à prendre dans ce dernier sens. Les animaux symbolisent la matérialisation de la vie. Hélios est un dieu de création. C’est grâce à ses flèches, ses rayons que la vie se perpétue. Les vaches, les bœufs, les brebis ne sont plus objets de sacrifices, mais au contraire de vénération parce que la vie est sacrée. En ne respectant pas la vie, les parjures ne méritent pas non plus la leur. Le bonheur passe aussi par le respect de la vie. Celle des animaux, des plantes, des arbres, des fleurs, etc. Le respect aussi de sa propre vie, de sa santé, sinon la vie n’aurait pas de sens.
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Mythologos de Franck Senninger
Milon de Crotone a gagné les Jeux olympiques de lutte dans la catégorie des plus jeunes quand un « inconnu » du nom de Pythagore lui annonce qu’il ne remportera plus jamais de victoires à moins qu’il ne suive ses conseils.
Commence alors, une véritable initiation au travers des plus grands mythes grecs, dont le sens caché lui est peu à peu révélé. Il deviendra alors le plus grand athlète de tous les temps au palmarès inégalé.
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