Thémis, ou la naissance de l’ordre du monde
La seconde épouse de Zeus et le passage du chaos à la mesure
Après Métis, la sagesse intérieure, Zeus s’unit à Thémis, déesse de la Justice primordiale. Cette union marque un tournant décisif dans la mythologie grecque : le pouvoir cesse d’être seulement victorieux ou rusé pour devenir ordonné, durable, légitime. Thémis n’est pas la justice des hommes, mais celle du monde lui-même, celle qui transforme le chaos originel en un ordre habitable.
L’histoire : Thémis, fille de la Terre et du Ciel
Thémis est une Titanide, fille de Gaïa, la Terre, et d’Ouranos, le Ciel. Elle appartient à cette génération de divinités primordiales qui précèdent l’Olympe et en fondent les équilibres. Son nom vient du grec thémis, qui désigne ce qui est établi, posé, reconnu comme juste sans avoir besoin d’être écrit.
Après la chute des Titans et l’accession de Zeus au pouvoir, Thémis devient sa seconde épouse. De leur union naissent les Heures, qui règlent la succession des saisons et le rythme du temps, ainsi que les Moires, qui président au destin de chaque être. Ces filiations sont essentielles : elles signifient que le monde ne dépend plus du hasard ni du caprice, mais d’un ordre stable, régulier, prévisible.
Dans les récits mythologiques, Thémis apparaît souvent aux côtés de Zeus lors des assemblées divines. Elle ne gouverne pas, mais conseille. Elle n’impose pas, mais rappelle l’ordre naturel des choses.
L’aspect symbolique : donner forme au chaos
Sur le plan symbolique, Thémis incarne le passage du chaos à l’ordre. Dans la pensée grecque archaïque, le Chaos n’est pas un désordre violent, mais une béance originelle, un état d’indistinction où rien n’est encore séparé, ni hiérarchisé.
Thémis ne supprime pas ce chaos : elle lui donne une forme. Elle introduit la distinction, la limite, le rythme. Elle établit ce qui revient à chacun, ce qui doit rester à sa place, ce qui doit advenir au bon moment. Elle transforme l’ouverture indéfinie du chaos en cosmos, un monde organisé et vivant.
Les Heures incarnent le temps réglé, cyclique, naturel. Les Moires rappellent que toute existence a une part, une durée, une limite. Par Thémis, le monde devient habitable, car il cesse d’être livré à l’arbitraire.
Symboliquement, Thémis représente l’idée fondamentale selon laquelle la vie ne peut se maintenir ni dans le chaos absolu ni dans l’ordre total. Elle est l’équilibre fragile entre ouverture et règle.
L’aspect philosophique : le pouvoir légitime accepte la limite
Philosophiquement, l’union de Zeus et de Thémis pose une question essentielle : qu’est-ce qu’un pouvoir légitime ? La mythologie grecque apporte une réponse claire. Le pouvoir ne devient légitime que lorsqu’il reconnaît une loi qui le dépasse.
En épousant Thémis, Zeus accepte que son autorité ne soit pas absolue. Il comprend que régner, ce n’est pas décider de tout, mais garantir un ordre. La justice ne naît pas de la volonté du souverain ; elle est ce à quoi le souverain doit se conformer.
Thémis incarne ainsi une conception profondément moderne : la loi précède le pouvoir. Sans structure, la force replonge toujours le monde dans une forme de chaos. Sans mesure, la puissance se détruit elle-même.
Dans le parcours de Zeus, Thémis marque une étape décisive : la force brute se civilise, la sagesse se stabilise, le règne devient possible parce qu’il s’inscrit dans une durée.
Thémis aujourd’hui : une leçon toujours actuelle
Thémis rappelle que la justice n’est pas seulement affaire de lois écrites ou de sanctions, mais de sens partagé de la mesure, de l’équilibre et de la limite. Dans la vie personnelle comme dans la vie collective, elle distingue l’autorité fondée sur la légitimité de celle qui repose sur la seule domination.
Après Métis, la sagesse intérieure, Thémis apporte la structure. Elle est celle qui rend le monde cohérent, le pouvoir acceptable et la vie possible.
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