Vous avez dit identité numérique ?

Je réponds aux questions santé des lecteurs de La Voce sous mon pseudonyme de journaliste (Franco Berneri-Croce)

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Février – 2024 – Avril 2024

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L’identité numérique entre peu à peu dans nos vies. Insidieusement, l’ère du numérique envahit la sphère domestique et le smatphone remplace la personne.

Aujourd’hui certaines démarches administratives sont devenues impossibles si l’on ne possède pas une identité numérique pour signer les documents. À titre d’exemple, le site de l’Urssaf, bien connu des entrepreneurs, redirige vers un autre site qui exige cette fameuse identité numérique de la part du signataire afin d’ouvrir ou de fermer l’entreprise.

Vous avez aimé la carte d’identité électronique,[1] vous allez adorer l’identité numérique. Plus besoin de papier ! Votre smartphone suffit à la poste pour retirer votre colis ou votre recommandé. Il suffit de montrer votre QR code qui vous identifie.

Mais qu’est-ce que l’identité ?

Le mot identité provient du latin idem qui signifie « le même ». Il est amusant de constater aujourd’hui qu’en ce qui concerne les individus, l’identité représente tout ce qui peut distinguer une personne d’une autre personne, celui-ci de celui-là, tout ce qui ne le rend pas identique à un autre.

La chose est facile lorsqu’on se retrouve face à une personne encore qu’il faille au préalable la connaître pour la reconnaître. Comment s’assurer que la personne qui est en face de soi est bien celle qu’elle prétend ?

Dans les temps anciens, elle pouvait utiliser un mot de passe qui l’authentifiait, il y avait les laissez-passer bien que ceux-ci puissent être dérobés. La noblesse portait ses armoiries sur elle ou sur une bague dont elle marquait la cire servant à cacheter les lettres qu’elle envoyait. Puis la photographie a fait son apparition et elle fut rapidement apposée sur les différents documents administratifs bientôt rejoints par la fameuse empreinte digitale.

Dans bien des films d’action, le méchant coupe le doigt du gentil, ou inversement, afin d’ouvrir un endroit inviolable, car l’empreinte digitale est unique et infalsifiable. Il en va de même de l’iris de l’œil et du code génétique, ces deux derniers étant plus difficiles d’accès.

Et la signature ?

La signature a pendant très longtemps été un gage de personnalisation et de sincérité. De personnalisation parce que chaque personne a une signature propre, certes plus ou moins originale, plus ou moins élaborée, mais propre à chacun. Elle a aussi une valeur de sincérité que n’a pas une photo ou une empreinte, même lorsque la personne analphabète trace une croix en bas d’une feuille de papier. Jusqu’à peu, la signature ornait tous les documents ayant peu ou prou une valeur administrative, juridique ou sentimentale. Elle n’appartient pas l’être humain, mais constitue son prolongement. Lorsque l’on regarde la signature de Léonard de Vinci à titre d’exemple, l’on se prend à rêver.

L’avènement du numérique

Aujourd’hui, nombre d’ordonnances rédigées par le médecin ou de compte rendu d’hospitalisation portent en bas du document, la mention « signé électroniquement » sans aucune trace visible à cet endroit. Ne cherchez pas, la trace est dans un ordinateur ou plutôt dans un serveur quelque part dans le cloud, dans le nuage.

L’identité numérique n’est plus le reflet de votre visage, de votre doigt, de votre œil, ou encore le prolongement de votre être par le biais d’une signature, l’individu est dépossédé de son identité charnelle et cette dernière est créée par un ordinateur et lue par un autre ordinateur. La corporalité se métamorphose en QR code, semblable, mais non identique, à n’importe quel autre QR code. Quand on voit avec quelle facilité les pirates informatiques dérobent les données des hôpitaux on peut avoir du soucis à se faire si l’on veut garder son identité numérique. Que disais Arthur Rimbaud déjà ? Ah oui ! Je est un autre. Les ordinateurs et les pirates informatiques vont sans doute s’en charger.

[1] Voir La Voce numéro 130.

L'auteur : Franck Senninger

Franck Senninger est écrivain et médecin. Il écrit plus particulièrement des romans (Prix Littré, Prix du Rotary international, sélection au Prix Tangente de lycéens 2022), des nouvelles (Prix Cesare Pavese, Prix Città di Cattolica), des ouvrages de psychologie et de vulgarisation médicale. Ses livres sont actuellement traduits en italien, espagnol, portugais, polonais et en arabe. Il est membre de l'Académie Littré et ancien président du jury français du Prix Cesare Pavese (Italie). Il est aussi journaliste pour La Voce, le magazine des Italiens en France et cofondateur de l'Alliance italienne universelle, une association qui réunit les fils de l'Italie. Il donne régulièrement des conférences à l'Université Inter-Âge de Créteil, à l'Université inter-âge de Noisy-le Grand et à l'Université Paris-Est Créteil. Petit-fils de philosophe, trois générations de médecins l'ont précédé ce qui explique sans doute son attrait partagé pour la plume et le stéthoscope.

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