Stochocratie : les jeux sont fait, rien ne va plus
La stochocratie, un terme encore méconnu par beaucoup, se révèle être un système électoral fascinant basé sur le hasard dans le domaine de la gouvernance et de la philosophie politique.
Étymologie
Le terme « stochocratie » est dérivé du grec ancien, combinant « stochos » (στόχος), qui signifie « cible » ou « deviner », et « kratos » (κράτος), qui se traduit par « pouvoir » ou « règne ». Ce qui suggère une forme de gouvernance où le pouvoir est attribué par un processus de sélection aléatoire ou de loterie, plutôt que par élection ou nomination.
Signification
La stochocratie propose un système dans lequel les représentants ou les responsables gouvernementaux sont choisis de manière aléatoire parmi une population éligible. Cette méthode de sélection vise à produire un échantillon représentatif de la société, en théorie, rendant le gouvernement plus représentatif de ses citoyens que les systèmes électoraux traditionnels. L'idée sous-jacente est de minimiser les biais, la corruption et l'influence indue des intérêts particuliers qui peuvent affecter les processus électoraux classiques.
Exemples concrets
Des éléments de sélection aléatoire ont été utilisés dans l'histoire et dans certains systèmes contemporains.
Par exemple, l'Athènes antique utilisait des loteries pour sélectionner la plupart de ses fonctionnaires, un exemple précoce de stochocratie.
L'élection du Doge de Venise reste un cas exemplaire. La forme la plus élaborée de ce processus a été instaurée en 1268, après une série de réformes visant à éviter la domination des familles puissantes et à réduire les conflits internes au sein de la République de Venise. Ce système est resté en vigueur jusqu'à la fin de la République en 1797, lorsque Venise a été conquise par Napoléon Bonaparte.
Le processus de sélection
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Sélection initiale des électeurs : Le processus commençait par la sélection aléatoire de 30 membres parmi le Grand Conseil de Venise, qui était lui-même composé de l'aristocratie vénitienne. Cette sélection était faite par tirage au sort.
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Création des comités : Ces 30 membres étaient ensuite réduits à 9 par un nouveau tirage au sort. Ces 9 membres formaient un comité chargé de choisir 40 autres électeurs, bien que cette sélection ne fût pas faite au hasard. Chaque membre du comité de neuf proposait quatre noms, et ceux-ci devaient être approuvés par au moins sept membres du comité.
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Deuxième niveau de réduction : Les 40 électeurs ainsi choisis étaient réduits à 12 par un autre tirage au sort. Ces 12 choisissaient ensuite, par vote, 25 nouveaux électeurs. Comme pour la sélection précédente, chaque nomination devait être approuvée par une majorité qualifiée.
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Troisième réduction et expansion : Un nouveau tirage au sort réduisait les 25 à 9, qui élisaient alors 45 membres parmi eux. Ces 45 étaient ensuite réduits à 11, toujours par tirage au sort.
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Dernière sélection des électeurs : Enfin, ces 11 électeurs désignaient 41 membres, qui formaient le collège électoral final chargé de choisir le doge. Les nominations à cette étape devaient également recevoir une majorité qualifiée de voix.
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Élection du doge : Le doge était élu par ce collège de 41 membres, avec la nécessité d'obtenir au moins 25 votes pour être élu. Si le premier tour de scrutin ne permettait pas d'atteindre ce seuil, le processus de vote se poursuivait avec des critères progressivement assouplis jusqu'à l'élection d'un candidat.
Aspect philosophique
Philosophiquement, la stochocratie interroge les fondements de la légitimité et de la représentativité en démocratie. Elle remet en question l'idée que seuls les élus, souvent par un processus hautement compétitif et partisan, peuvent légitimement représenter la volonté du peuple. La stochocratie suggère qu'une représentation aléatoire pourrait être plus démocratique, en évitant les écueils de la professionnalisation de la politique, de la corruption et en permettant une représentation plus fidèle de la diversité sociale. Cette approche invite à repenser la relation entre les citoyens et le pouvoir, en soulignant la valeur de l'égalité des chances dans la sélection des dirigeants et en promouvant une participation plus directe et diversifiée.
Conclusion
La stochocratie, avec ses racines étymologiques ancrées dans l'idée de pouvoir attribué aléatoirement, propose une alternative intéressante face aux systèmes de gouvernance traditionnels. Bien qu'elle puisse sembler radicale, son application, même partielle, dans des assemblées citoyennes ou d'autres formes de panels délibératifs, montre son potentiel pour revitaliser la démocratie et rendre la gouvernance plus représentative et inclusive. En défiant les notions conventionnelles de sélection et de représentation politiques, la stochocratie invite à une réflexion profonde sur les principes démo