La technocratie : une réalité dystopique ?
La technocratie, un mot que l'on entend de plus en plus souvent. Mais que cache ce mot déjà peu sympathique en soi ?
Étymologie
Le terme « technocratie » est un néologisme qui combine « techno », provenant du grec technē(τέχνη) signifiant « art, compétence » ou « métier », et kratos (κράτος), se traduisant par « pouvoir » ou « règne ». Ainsi, étymologiquement, la technocratie désigne le règne ou le pouvoir des techniciens, c'est-à-dire une forme de gouvernance où les décisions sont prises par des experts ou des spécialistes dans leur domaine, plutôt que par des politiciens ou des élus populaires.
Signification
La technocratie est fondée sur la croyance que les décideurs politiques devraient avoir une expertise technique et scientifique directe dans les domaines sur lesquels ils exercent leur autorité. Cette approche suggère que les décisions basées sur des connaissances spécialisées et des données empiriques sont susceptibles d'être plus efficaces et rationnelles que celles prises par des acteurs politiques traditionnels, qui peuvent être influencés par des intérêts partisans ou des considérations électorales.
Exemples concrets
L'application de la technocratie peut varier considérablement d'un contexte à un autre. Dans certains cas, elle se manifeste par des comités d'experts influençant fortement la prise de décisions politiques, comme ce fut le cas lors de la crise financière de 2008, où économistes et banquiers centraux ont joué un rôle prépondérant dans les mesures adoptées par les gouvernements. Plus récemment, la gestion de la pandémie de COVID-19 a vu des virologues, épidémiologistes et autres professionnels de santé publique orienter les politiques publiques, depuis les confinements jusqu'aux campagnes de vaccination.
Dans certains pays, la technocratie est plus qu'une simple influence; elle est au cœur du système gouvernemental. Singapour est souvent cité comme exemple de technocratie réussie, où les décisions sont fortement basées sur des évaluations techniques et scientifiques, contribuant à son rapide développement économique et à sa stabilité sociale.
Il n'est pas besoin d'aller très loin pour rencontrer la technocratie. L'Union européenne est un magnifique exemple de technocratie, avec ses nombreux comités et agences spécialisés qui influencent la prise de décisions à travers des recommandations basées sur l'expertise technique.
Aspect philosophique
La technocratie soulève des questions philosophiques profondes sur la gouvernance et l'autorité. Elle interroge le fondement de la légitimité politique : est-ce le consentement du peuple, comme dans les démocraties traditionnelles, ou l'expertise et l'efficacité dans la gestion des affaires publiques? Cette interrogation met en lumière les tensions entre efficacité et représentativité, expertise et démocratie.
Critiques et Débats : La technocratie est critiquée pour son potentiel à éloigner les citoyens des processus décisionnels et à réduire la politique à une série de problèmes techniques dépourvus de toute considération éthique ou morale. Cependant, ses défenseurs arguent que dans un monde complexe, l'expertise technique est indispensable pour aborder des défis tels que le changement climatique, la santé publique, et la sécurité internationale.
En somme, la technocratie est un concept qui interpelle sur le mode de gouvernance le plus apte à résoudre les problèmes contemporains. Elle propose une vision où l'expertise et la compétence technique sont primordiales, mais doit néanmoins trouver un équilibre avec les impératifs démocratiques et les valeurs éthiques de la société.